Sofi Hemon / Érica ZÍngano : une correspondance par mails interposés.

        ‘Hier m’abandonne, pourquoi le retenir ?[1]

En 2001 Sofi Hemon et Érica Zíngano se rencontrent à l’Espace de Recherche et de Création ‘Alpendre’ à Fortalezza au Brésil. Érica étudie les Arts et les Lettres.  Elle fait  des performances. Sofi est en résidence d’artiste au Brésil. Parallèlement elle est invitée à exposer des peintures au Musée de l'Université ( MAUC). Elles se retrouvent côte à côte devant les publics du MAUC et de Alpendre. L'une fait une conférence. L'autre traduit les échanges.

Depuis, elles correspondent -via internet-. La différence de génération entres elles, et leur différence culturelle apportent des échanges fructueux et stimulants. L’une invite l’autre à présenter un travail artistique au Centre d’Examens de Santé de Mulhouse. "Hier m'abandonne pourquoi le retenir ?" sera le titre .Au fil du temps, durant 6 mois, les deux artistes ouvrent une discussion énigmatique sur leurs préoccupations et leurs recherches. Parfois l’une demande à un voyageur de transporter une boite à l’autre. La boite contient un monde réel qui interfère avec la correspondance virtuelle. Elles expérimentent ainsi les distances qui les séparent et les rapprochent.  Les distances ? Oui, la distance que l'on pose entre soi et  l'autre. Et celle qui se crée entre soi et l’œuvre de l’autre.  Mais aussi, la distance révélée par l’expérience même : celle que l’on découvre  en soi-même.

 

Juste préciser mes images et sensations

-Off :   « Quand autrui me parle, il ne parle pas comme moi. Quand j’en appelle à l’Autre, je ne réponds à ce qui ne me parle d’aucun lieu, séparé alors de lui par une césure telle qu’il ne forme avec moi ni dualité ni unité. C’est cette fissure- ce rapport avec l’autre- que nous avons osé caractériser comme interruption d’être, ajoutant maintenant : entre l’homme et l’homme, il y a un intervalle qui ne serait ni de l’être ni du non-être et que porte la différence de la parole, différence qui précède tout différent et tout unique » [2]

-Une voix :  Notre différence et notre regard, notre correspondance comme un fil qui peut établir un dialogue, une possibilité de toucher l’autre : la fissure dont tu parlais.

-Une voix autre :  Parcours dans le lieu ou un point sera choisi par l’une, un point par l’autre : la correspondance se déroulera d’un point à l’autre et contiendra certains écarts pour des œuvres en cours de l’une ou de l’autre sans forcément de lien direct avec la correspondance en cours.

-Off : « Ce que nous appelons désordre et ruine, d’autres plus jeunes, le vivent comme naturel et peut être vont-ils avec ingénuité le dominer justement parce qu’ils ne recherche plus de référence ou nous  les prenions » [3]

-Une voix :  J’aime bien le regard de l’écart, marqué par le je et l’autre, comme si deux personnes différentes… mais il y a toujours cette chose en nous-même et toujours dans ma tête la phrase :  je est un autre   Rimbaud/Artaud.

-Une voix autre :  Des boites qui contiendront des lettres et des actions photographiées, des objets, peut-être. Des boîtes dans lesquelles seront feuille à feuille réunis nos échanges.

Le travail de l’agencement donnera corps à une forme de récit : le déroulement du temps y sera non linéaire.’

Sofi Hemon/Érica Zíngano -Eté 2005.


[1] Li Po, « Buvant seul sous la lune »
2] Maurice Blanchot, « L’entretien infini »
[3] Maurice Merleau-Ponty, « Signes »


 
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